L’Année du Gorafi (N°1 et 2)

    Puisque la parodie et la satire ont l’air de se porter assez mal par les temps qui courent, j’ai décidé de faire une petite place sur mon blog à l’excellent journal parodique Le Gorafi.

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      Le mois dernier, je me suis procuré les deux volumes de l’Année du Gorafi qui rassemblent les articles les plus drôles et les plus mordants du site “d’infaux”. Sous forme de véritables articles de presse, Le Gorafi détourne les actualités ou en invente de nouvelles dans le but de faire rire tout simplement, mais aussi en dénonçant sarcastiquement les travers de notre société de consommation et de l’information.

     Avec ces deux volumes de L’Année du Gorafi, le pari est réussi. La compilation des meilleurs articles du journal permet de passer un bon moment de détente léger, divertissant mais aussi intelligent. Entre absurdité, ironie, ou non-sens, les articles parodiques pointent les dysfonctionnements de notre société mais critiquent également, de façon sous-jacente, le sensationnalisme des médias, ou les articles souvent lacunaires de certains titres ou de certaines chaînes d’info en continu. Bien que les créateurs du Gorafi s’en défendent, l’existence du Gorafi lève le voile sur un certain nombre de problèmes de notre société hyper connectée de la technologie et de la communication. La crédulité de certains, comme Christine Boutin qui a cité Le Gorafi pour étayer, tout à fait sérieusement, ses propos, le prouve :  trop peu de personnes ont un recul suffisant sur les informations délivrées par gigaoctets sur le net et beaucoup ne prennent pas la peine de vérifier ce qu’ils lisent. Malgré lui donc, Le Gorafi a au moins cet effet salutaire qu’est de tenter de ré-insuffler un peu d’esprit critique dans des cerveaux peut-être un peu trop déshabitués à prendre du recul par rapport aux informations.

      Depuis le printemps 2014, Le Gorafi est invité le lundi, le mercredi et le vendredi au Grand Journal sur Canal Plus pour un simulacre de JT toujours placé sous le signe de l’humour et de l’absurde.

       Le Gorafi est présent sur Twitter, Facebook, et une application permet de suivre l’actualité parodique sur smartphone et d’être informé de la publication de nouveaux articles.

LeGorafi badges

   Pour recevoir les badges Le Gorafi, il suffit d’envoyer votre adresse postale par mail à l’adresse badges@legorafi.fr, et le tour est joué! Vous recevrez les badges sous quelques jours.

     A noter qu’un nouveau livre en format poche, Le Meilleur du Gorafi, est également paru tout récemment! Si vous aimez l’impertinence alliée à la pertinence, je ne peux que vous encourager à y jeter un œil!

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Je suis Charlie

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      Triste jour que celui d’aujourd’hui. Triste de m’apercevoir, en me réveillant, que tout cela n’était pas un mauvais rêve, mais que Cabu, Charb, Tignous, Wolinski, et Honoré nous ont vraiment quittés. Qu’ils ne dessineront plus. Que la barbarie, mais surtout l’obscurantisme, les a tués et a eu raison de leur humour.

      Charlie Hebdo est un journal important dans le paysage médiatique français. Il est important qu’il soit là, qu’il existe. Indéniablement, je préfère la France avec lui que sans lui. J’avais déjà pu prendre la mesure des menaces qui commençaient à peser sur eux lors de la sortie du documentaire C’est dur d’être aimé par des cons, en 2008, qui revenait sur le procès intenté à Charlie après la publication des caricatures de Mahomet en 2006. A cette époque déjà, on pouvait sentir qu’une frange radicale de l’Islam de France avait poussé ses représentants, notamment Dalil Boubakeur, recteur de la Mosquée de Paris, à assigner Charlie Hebdo en justice. Ce documentaire met parfaitement en lumière qu’il ne faut faire aucune concession aux obscurantistes, sinon ce sont des pans entiers de notre liberté qui s’effondrent et c’est l’autocensure qui s’installe.

      A ce titre, je voudrais rappeler quelques fondamentaux. Depuis hier, sur le net, je vois certains commentaires de certaines personnes exprimer une indignation mais refuser “d’être Charlie car un journal qui titre “Le Coran c’est de la merde, ça n’arrête pas les balles” ne mérite pas le respect”. Contre ça je m’indigne à mon tour. La France est une démocratie depuis un peu plus de deux siècles. La France a une longue tradition satirique qui fait intégralement partie de son histoire.

      C’est pourquoi il est important pour moi de souligner que le délit de blasphème (dont il est manifestement question ici) a été aboli en France avec la Révolution et a été définitivement enterré par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881( 1). Cette liberté découle des Lumières, de la verve foncièrement anticléricale de Voltaire, qui ont fait la France moderne telle qu’on la connait et sont la base de notre culture politique aujourd’hui. On peut, certes, ne pas être d’accord, et on peut aussi l’exprimer, mais on ne peut remettre en cause ce principe fondamental de notre société dite ouverte. Encore une fois, selon l’expression attribuée à Voltaire : “Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire“. De ce fait, même si l’on n’est pas d’accord avec les caricatures, on ne peut remettre en cause le droit de pouvoir en produire et d’en publier.

      J’essaie de me confronter moi-même à cette situation pour tenter de comprendre ce qui fait que certaines caricatures blessent certaines personnes. La personne que je cite (et dont le témoignage est issu des réseaux sociaux) dit : “Je n’ose imaginer l’état d’esprit qu’auraient les gens aujourd’hui si le titre avait été à l’époque “La Bible/La Torah c’est de la merde, ça n’arrête pas les balles”. Eh bah non, j’aurais ri aussi. Et même lorsque j’imagine que Charlie Hebdo se serait moqué de mon auteur préféré (que je vénère comme un dieu) Stefan Zweig, et aurait titré “Le Monde d’Hier de Zweig, c’est de la merde, ça n’arrête pas les balles”, eh bien j’aurais ri de même. Déjà parce que ce n’est pas fondamentalement faux -le livre en lui-même n’arrêterait aucune balle bien qu’il soit assez épais- et parce que ce ne sont jamais que des mots ou des coups de crayons sur du papier! Et même si je n’étais pas d’accord, je ne vois pas pourquoi on devrait museler ceux qui ont envie de le dire! S’ils trouvent, en effet, que dieu, la Bible, le Coran ou Zweig c’est de la merde, et ne font que l’écrire, ce n’est pas grave! Tant qu’ils ne me forcent pas à penser la même chose, je ne vois pas ce qu’il y a de mal dans le fait qu’ils disent ce qu’ils pensent! Je respecte, car c’est un droit qui m’est accordé comme à eux. C’est la base de la liberté d’expression et d’opinion qui est autorisée en France, ou du moins, qui n’est pas interdite. En France, on a le droit de penser et d’écrire ce que l’on veut. C’est un droit inaliénable. Ce sont l’Histoire et les valeurs de la France. Nos aïeux ont mis des siècles pour acquérir ce droit. C’est comme ça. Point barre. Et c’est non négociable. La religion catholique et la monarchie absolue de droit divin ont été parmi les premiers sujets de société à faire l’objet de critiques en France, notamment par les Lumières donc. L’anticléricalisme féroce a été le point de départ de leur philosophie. Les salves de Voltaire, de Rousseau ou de Kant contre les superstitions (mot péjoratif pour “religion” à l’époque) et les “papistes” ont forgé l’identité séculière et démocratique de la France.

      Tant d’autres délits sont punis en France. Mais pas le blasphème

   En tout cas, je ne renoncerai pas à ma liberté de penser et d’expression, je ne renoncerai pas à mes droits pour ménager la susceptibilité de quelques fanatiques. Mon âme de journaliste ne pourra jamais s’accommoder de la volonté de contrôle d’une frange, même infime, de la population, et encore moins pour rétablir le blasphème.

      Malheureusement, aujourd’hui, ils sont partis. Cinq très grands dessinateurs nous ont quittés pour des prunes. Pour le respect de valeurs pourtant propres à notre pays. Et je suis profondément triste car je n’aurai plus le privilège de rire aux dessins acerbes, à la plume acérée de mes dessinateurs préférés. Je suis triste que l’on m’ait privée de ces génies. En particulier, jadmirais Charb pour sa ténacité. Malgré le procès, malgré l’incendie de 2011, il ne s’est pas départi de son courage, ne s’est pas laissé intimider et a affirmé que, lui non plus, ne renoncerait pas à son droit le plus strict de rire de tout pour quelques susceptibilités mal gérées. Et surtout, j’avoue, j’ai pleuré pour Tignous que j’avais véritablement appris à découvrir l’an dernier -bien trop tard hélas– grâce à un dessin féministe sur la prostitution et en qui je me disais que l’on pouvait trouver un allié hors pair sur un sujet aussi délicat que l’abolition de la prostitution. Enfin, j’en veux aux cons qui ont tué Cabu, un trésor national, car avec lui, ils ont tué une partie de la culture française.

      En faisant le tour du web, je me rends compte qu’il y a déjà pléthore d’articles pour réagir à cet assassinat, pour s’indigner et verbaliser sa révolte. Il y a, en effet, tellement de choses à dire. Pour ma part, j’avais besoin d’en écrire un pour revenir sur ces quelques points, pour rappeler que l’on ne transige pas avec les libertés, surtout celle de penser. Je n’admets pas que l’on puisse, en 2015 en France, encore mourir pour avoir affirmé son droit à écrire, dessiner, et rire de tout. En cela, j’ai beaucoup de peine pour mon pays, pour toutes ces luttes qu’il faudra encore mener pour, simplement, garder et protéger un droit pourtant acquis depuis longtemps.

     Ainsi, je souhaiterais terminer cet article en faisant un énorme pied de nez aux censeurs pour leur montrer que, même s’ils ont tu l’essence de Charlie Hebdo, il ne tairont pas la liberté d’expression, d’opinion, de la presse, en recensant les meilleurs dessins faits en réaction à cet acte innommable:

 

Tellement juste!

Tellement juste!

 

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Geluck, mon dessinateur préféré

Geluck, mon dessinateur préféré

 

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      Et enfin, par résistance, par refus de l’intimidation et de la censure, je poste, en bien grand, cette Une dite controversée de Cabu, qui résume toute l’incompréhension, l’obscurantisme ou l’ignorance qui peut régner en ce monde: Mahomet débordé par les intégristes: c’est décidément très dur d’être aimé par des cons.

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Pour les anglophones qui voudraient aller plus loin, voici un très bon article du Guardian qui tente de comprendre et d’expliquer pourquoi la satire, de par les processus psychologiques et cognitifs (souvent développés et “évolués”) auxquels elle fait appel, a toujours été un genre à part dans le journalisme.

Edit : (Vais-je réussir à mettre un point final à cet article un jour?)

Je ne résiste pas à la tentation de mettre un petit extrait d’un livre intitulé Lecture d’Images : Clés pour le Dessin d’humour, 9 à 15 ans    (p.58) :

                La caricature

La caricature mériterait cent définitions:

Ronald Searle, caricaturiste anglais: “La caricature est l’art de déformer une image pour en faire un tableau vrai“.

Ronald Searle, “La caricature doit se pratiquer avec l’adresse du chirurgien et les intentions du boucher“.

Alfred Sauvy (sociologue) : “Pour apprécier la caricature d’une personne amie, soutenue, il faut être un “homme d’esprit”.”

Caribal, caricaturiste : “La caricature, c’est la vraie face des gens. Pas le portrait, ni la photo qui gomment la personnalité de l’individu“.

La caricature est une déformation satirique par exagération et accentuation de certains défauts. Elle doit permettre une identification immédiate par le lecteur. Souvent féroce, elle met en évidence un trait de caractère particulier. Art graphique par excellence, la caricature e joue des limites, transgresse les interdits, parodie le portrait en l’investissant du pouvoir de dérision. Elle atteint le sujet dans son identité et en révèle la dimension morale, intellectuelle à travers les marques physiques. Trouver le détail caractéristique d’un individu, le mettre en évidence en l’amplifiant, c’est tout l’art du caricaturiste“.

A savoir qu’il y a aussi un très bon chapitre 2 “Savoir lire le gag” qui mériterait qu’on y fasse un détour…

Note : (1) Sauf en Alsace-Moselle

Mes beaux-livres de presse

     J’aime les beaux-livres. Vous savez, cette section d’Amazon ou dans les librairies, littéralement appelée “beaux-livres”, qui rassemble les ouvrages souvent épais, grand format, qui sont une sorte de collection sur un thème bien précis. Travaillant dans le secteur du journalisme, je possède quelques belles pièces sur ce thème que j’aimerais partager.

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      Cet imposant ouvrage, comme le titre l’indique, parcourt les grandes crises politiques qui ont marqué les cinq premières décennies de la Cinquième République. De la guerre d’Algérie, à Mai 68, en passant par les cohabitations ou l’instauration du suffrage universel direct, toute l’actualité politique des cinquante dernières années est passée au peigne fin par la collection d’articles parus dans Le Monde. Il s’agit d’un ouvrage dense, instructif et absolument captivant. Il est intéressant de parcourir les articles d’époques et l’actualité ancienne, et d’en trouver l’écho dans certaines actualités contemporaines, de constater les évolutions qui façonnent désormais le paysage politique français. De plus, c’est un ouvrage qui se veut exhaustif: ainsi, le lecteur n’est pas frustré de ne pas y voir une grande problématique de la Cinquième République qui ne soit pas abordée. L’objectif assumé de ce beau livre est d’aller à rebours de l’idée largement répandue selon laquelle “la Cinquième” garantit, de par la façon dont elle a été conçue, la stabilité. Ce livre confirme que Le Monde mérite son statut d’institution en France. La plume sans concession de certains de ses illustres journalistes le prouve assurément.

 

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     Celui-ci est le second numéro de la série 40 ans de photo-journalisme, consacré à l’agence Sygma, fondée en 1973. Le photo-reporter Michel Sitboun réunit donc dans cet ouvrage 80 photos qui évoquent 80 moments forts de l’actualité des quarante dernières années en invitant leurs auteurs à revenir sur ces instants précieux ainsi immortalisés. Divisées en plusieurs chapitres selon les  grandes ères de notre époque, les photos parlent d’elles-mêmes.

     Parmi les photos qui ont particulièrement retenu mon attention se trouve celle des 2500 Boat People, prise sur le Hai Hong en 1978, fuyant le Vietnam, le démantèlement du Mur de Berlin, ou le soldat de la FINUL au  Liban.

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©Alain Dejean

One Year After the Collapse of the Berlin Wall

©Philippe Caron

 

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©Maher Attar

L’ouvrage compte aussi de nombreux portraits de célébrités du cinéma ou autres qui ponctuent les photos de conflits, même si celles-ci sont moins marquantes et m’importent moins. C’est un excellent livre pour saisir toute l’intensité de l’Histoire en train de se jouer sous l’objectif même de ces photo-reporters.

 

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     Ce dernier ouvrage est tout à fait particulier. C’est celui que je préfère feuilleter de temps à autre. Il rassemble des unes du Monde, depuis 1944, date de la création du célèbre quotidien, jusque 1999. Le livre est en très grand format (taille du journal en lui-même), on a donc l’impression de consulter des archives regroupant les anciens numéros à la Bibliothèque nationale de France. Mais surtout, il est passionnant de découvrir et de lire les toutes premières unes du Monde: celles où on apprend la mort d’Hitler, la capitulation allemande, la conférence de Potsdam, la signature des traités de paix, la tenue des procès de Nuremberg et les sentences… Je me délecte également des unes de la Guerre Froide consacrées à la création du Pacte de Varsovie, à l’insurrection hongroise, à la crise de Cuba ; mais aussi de bien d’autres thèmes : la naissance de la Communauté Européenne, la création d’Israël et les premiers troubles au Moyen-Orient, les guerres d’indépendance du Vietnam à l’Algérie, les crises successives de la très instable Quatrième République, ou la conquête spatiale. Bref, c’est une véritable mine d’or pour qui, comme moi, est passionné(e) par la presse, l’histoire et la politique.

      Les beaux-livres sont vraiment une catégorie à part. Ils invitent, par leur format et/ou leur poids, à se poser, bien s’installer, et savourer une lecture ciblée sur un sujet précis. Ces beaux livres de presse, en particulier, permettent de prendre un certain recul sur les événements passés et leur traitement médiatique, et de s’interroger sur les résonances qu’ils peuvent avoir sur notre monde contemporain. Les beaux-livres permettent un moment de lecture privilégié qu’il ne faut, selon moi, pas négliger.

Les Journalistes et l’Europe – Sous la direction de Gilles Rouet

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     Voilà un ouvrage qui traite de deux de mes sujets phare: le journalisme et l’Union Européenne. Il s’agit d’un ouvrage qui aborde la relation étroite entre médias et citoyenneté, entre journalisme et construction européenne. Rédigé par un collectif d’auteurs issus de divers horizons, ce livre tente de comprendre la quête de légitimité de l’UE auprès de ses citoyens en soulignant notamment le rôle des médias et du journalisme en tant que “trait d’union” entre eux car vecteurs d’informations et d’identité européenne de par l’espace public auquel ceux-ci participent. Tout au long du livre, les auteurs se penchent sur cette question en analysant la situation française et slovaque.

     Dans la première partie, il est question de retracer l’histoire du journalisme en Europe en se penchant sur ses débuts. Le premier chapitre se donne ainsi pour mission d’expliquer l’apparition des premiers titres de presse en Slovaquie et en France, mais aussi en évoquant la naissance de la presse en Autriche-Hongrie, en Allemagne ou en Italie. Mais cette partie souligne également l’importance des caricatures politiques comme proto-journalisme. Il s’agit d’analyser comment les “journalistes du crayon” ont, dès le XIXème siècle, façonné le paysage médiatique à travers l’Europe. Le troisième chapitre est, par ailleurs, consacré à l’importance de la caricature au XIXème siècle à travers les caricatures de Napoléon, qui étaient très prisées en Angleterre ou en Allemagne. Le dernier chapitre de cette partie tente de comprendre le pouvoir et l’ontologie de la caricature en distinguant “signifiant” et “signifié” tel que mis en évidence par Ferdinand de Saussure, mais aussi en se penchant sur son potentiel métaphorique, métonymique voire synecdochique. Evidemment, nul n’est besoin de rappeler que cette forme de journalisme fut la plus primitive précisément car elle pouvait être comprise et décryptée par la majorité de la population alors analphabète. Néanmoins, cela n’empêchait pas des titres de presse écrite de se développer au cours du même siècle, comme ce fut le cas du Journal Encyclopédique de Pierre Rousseau à travers toute l’Europe francophone. Le sixième chapitre nous propulse dans le XXème siècle avec un portrait de Sartre qui permet d’illustrer le journalisme intellectuel. Le dernier chapitre s’interroge sur le journalisme européen (qui existe car les peuples d’Europe sont liés les uns aux autres et communiquent les uns avec les autres par voie de presse depuis plusieurs siècles déjà), mais aussi sur son rôle dans  la construction européenne à l’oeuvre aujourd’hui. Ainsi, très tôt, les journalistes de pays différents se sont réunis au sein de diverses structures afin d’internationaliser leur action: l’Union Internationale des Associations de Presse  ou la Fédération Internationale des Journalistes. 

     La deuxième partie se concentre sur le rôle des journalistes dans le processus de construction européenne. Parce qu’ils créent l’espace public nécessaire à toute démocratie, les journalistes ont un rôle critique dans l’élaboration de structures politiques. Cela n’est néanmoins pas si simple lorsqu’il s’agit de l’UE dont les prémisses sont surtout utilitaristes et fonctionnalistes. De ce fait, l’UE a toujours enregistré un certain déficit démocratique qui tire son origine dans les “solidarités de fait” de sa création, mais aussi aux nombreuses langues nationales qui divisent l’espace européen et empêche l’émergence d’un espace public unifié tel que mis en évidence par Jürgen Habermas. Ainsi, cette partie explique que cela est d’abord dû au manque d’enthousiasme des journalistes nationaux pour les affaires européennes. Peu d’entre eux étaient en effet volontaires pour quitter leurs rédactions nationales pour Bruxelles, où, d’ailleurs, les affaires européennes étaient considérées comme trop techniques et austères. Par conséquent, peu de journalistes se déplacaient dans la capitale européenne et peu de journaux traitaient des questions communautaires, ne sensibilisant donc pas le public européen à ses institutions. Cette partie rappelle cependant certaines initiatives lancées pour pallier ce problème. C’est l’exemple du magazine français L’Européen en 1998 ou de la chaîne Euronews créée en 1993. On essaie aussi d’inviter l’idée d’Europe dans les foyers européens avec la création du concours de l’Eurovision qui s’appuie sur l’essor de la télévision en 1958. Selon certains auteurs du livre, le journalisme européen reste à être inventé. Aucun organe de presse transversal ne permet d’aborder exclusivement les questions européennes, qui restent donc confinées à la sphère nationale, freinant l’émergence d’une Europe politique. Evidemment, cette partie est l’occasion de rappeler le lien très étroit entre médias et nation. De par la langue comme précédemment souligné, les médias se sont aussi toujours développés en étroite relation avec le pouvoir, le gouvernement national, mais surtout la nation. La liberté d’expression est un droit fondamental de la nation qui s’exerce contre le pouvoir en place dans cette même nation. C’est, par ailleurs, l’argument principal des souverainistes qui rappellent que la démocratie est née dans l’Etat-nation, et qu’elle est donc impossible à réaliser à l’échelle supranationale comme l’UE. D’où la nécessité de créer un espace public européen dans lequel les journalistes européens ont une place de premier choix. Avec l’Acte Unique de 1986, le marché unique et Schengen, davantage de journalistes se sont rendus à Bruxelles et avec la multiplication des directives européennes ayant des implications nationales et locales est arrivée la nécessité de la médiation par les journalistes. Davantage de titres nationaux et même locaux ont alors repris les questions européennes dans leurs pages. Néanmoins, certains remarquent que le processus aurait dû être inversé afin de garantir pleinement les droits des citoyens, de même que cette évolution n’a pas réduit le niveau de technicité des affaires européennes traitées à Bruxelles. 

     La troisième et dernière partie de l’ouvrage fait état de l’importance d’Internet dans l’émergence d’un journalisme véritablement européen. En effet, Internet a bousculé la sphère médiatique et a refondé l’espace public, devenu propice au développement d’une presse européenne. Aujourd’hui, de nombreux sites se consacrent au décryptage de l’actualité européenne. Cependant, l’essor d’Internet pose également de nombreuses questions pratiques et éthiques pour le journalisme moderne. Ce saut technologique a provoqué une restructuration des médias qui font aujourd’hui face à de nouveaux enjeux. D’où l’importance de respecter des normes et des principes déontologiques forts et fondateurs de la profession, notamment pour un journalisme de qualité en faveur de la diversité et du pluralisme. Certains sites d’information européenne sont le support d’initiatives originales telles que cafebabel.com. Enfin, la partie se clôt sur une réflexion sur le journalisme européen: est-ce une utopie ou une nécessité démocratique au sein de l’UE?, rappelant combien il est important de rapprocher les citoyens de l’Union et de lutter contre le déficit démocratique qui transforme ses institutions en Golem incompréhensible pour le plus grand nombre, avec la conclusion que, en effet, les journalistes ont un rôle plus grand que jamais à jouer dans l’articulation des deux sphères européenne et nationale. 

Les Médiacrates – Jean Nouailhac

Il est temps de reprendre les bonnes habitudes et de commenter le livre de Jean Nouailhac.

      Les Médiacrates constitue un peu la profession de foi de Jean Nouailhac qui souhaite, par cet ouvrage, revenir aux principes fondamentaux du journalisme. Sur un ton volontairement incisif et sans compromis, celui-ci déplore une presse française bien trop peu indépendante et, selon lui, à la déontologie douteuse. Son livre résonne comme un cri de rébellion dans un milieu, selon lui, trop servile.

     Pour introduire son propos, l’auteur expose sa vision de la déontologie journalistique qui n’est autre que celle de Camus et son célèbre manifeste… Il condamne le déclin de la presse écrite en France (mais également partout ailleurs) au profit de nouvelles formes de journalisme de qualité bien souvent inférieure d’après lui, mais tente de l’expliquer par une baisse de l’intérêt des citoyens pour celle-ci. Ce désintérêt s’expliquerait, quant à lui, par le fait que la presse ne remplit plus son rôle d’enquête et de quatrième pouvoir. Les citoyens, non surpris par les nouvelles que cette presse transite, ne verraient plus de raisons d’acheter chaque matin le quotidien national, voire même régional dans la mesure où cette crise affecte tous les niveaux de publication. 

     Evidemment, Jean Nouailhac fait le diagnostic de cette situation et identifie plusieurs causes majeures. En premier lieu, et en toute logique, la presse d’édition est en net recul depuis que la télévision  campe dans tous les salons français. Pourquoi donc acheter la gazette du matin quand le JT de 20 heures (si ce n’est pas d’abord celui de 13 heures) délivrera l’information et ce, à un très grand nombre de citoyens? Oui, pour Jean Nouailhac, il ne fait aucun doute que le français est paresseux (et aussi peut-être un peu pingre) et préfère sans conteste se reposer sur la sacro-sainte télévision. Or, la télévision, par les audiences gigantesques qu’elle brasse, va au plus simple et au plus éloquent, et ne transmet que partiellement l’information (dans les cas où selon Nouailhac elle ne pratique pas carrément la désinformation). Là où certains journaux peuvent éditer des dossiers, la télévision (en particulier le Journal Télévisé) aborde, évoque mais n’approfondit jamais. D’où une baisse drastique du niveau de traitement de l’information, qui, bien loin de faire une analyse, résulte plutôt en un résumé factuel. 

      Cet état de fait est préoccupant en soi, mais il est loin d’être surprenant. L’auteur rebondit donc très vite sur ce qu’il considère être un manque de respect pour la presse écrite. Cette dernière est malmenée, notamment par l’intimidation judiciaire dont elle est constamment victime. Et c’est là que Jean Nouailhac marque, selon moi, son premier point dans ce livre. Nombreux sont les titres qui font l’objet de poursuites judiciaires dès qu’une information compromettante pour une personnalité au pouvoir en place est publiée. Cela relève, selon l’auteur, d’un quasi harcèlement judiciaire qui n’a, par définition, pas lieu d’être dans une démocratie. Il cite plusieurs exemples qui montrent la marge de manoeuvre très étroite dont dispose une rédaction qui souhaiterait se préserver de ce genre de désagrément. De plus, les sommes engagées dans de telles procédures, non seulement pour la tenue du procès mais également parfois pour les dédommagements imposés à la presse, incitent à la prudence, ce qui, dans la bouche de Jean Nouailhac, signifie autocensure. Il cite en exemple la plainte déposée par Dominique de Villepin à l’encontre de trois journalistes (Denis Robert, Jean-Marie Pontaut et Gilles Gaetner) ayant publié des livres sur l’affaire Clearstream, ainsi que la plainte déposée par Ségolène Royal et François Hollande contre les journalistes Raphaëlle Bacqué et Ariane Chemin pour leur livre La Femme Fatale. Ici, Jean Nouailhac se pose la bonne question: “jusqu’où le droit doit-il protéger la vie privée des hommes et des femmes publics?”.

       Plus inquiétant encore, la presse en France est dominée par de grands groupes industriels qui représentent tout simplement une hérésie pour le principe même de presse et de liberté de la presse. Lagardère, Dassault, Bolloré, Pinault, Arnault sont autant de propriétaires d’industrie détenteurs d’un média dans leur panoplie d’activités. (ndlr: Lagardère et Dassault contrôlent, à eux deux, pas moins de 130 médias français). Ce type de conflits d’intérêts est intolérable pour Nouailhac, même si, comme décrit ci-après, il porte un avis pour le moins paradoxal sur la question de la propriété de la presse. 

Ce type d’affiliation malsaine et absolument contre-nature s’est brillamment illustrée lors du quinquennat de Nicolas Sarkozy. On ne compte, en effet, plus les oeillades de Jean-Pierre Elkabbach faites à Arnaud Lagardère…

      Jean Nouailhac en profite pour réaffirmer les trois grands principes déontologiques du journalisme: indépendance (largement compromise par les groupes industriels donc), objectivité et honnêteté. Selon lui, ce dernier est important au vu d’un phénomène d’euphémisation dans les médias. Certains mots demeurent tabous et/ou mal définis, ce qui gangrène le débat. Qu’est-ce qu’un terroriste? Qu’est-ce qu’une minorité visible? L’auteur prône donc le retour à une certaine rigueur vocabularistique. L’emploi des mots justes notamment fait défaut, et l’auteur de souligner, à juste titre, la confusion quasi généralisée entre blocus et embargo, par exemple. Je partage l’avis de l’auteur sur ce point: il faut à tout  prix, en tant que journaliste, éviter de se laisser bercer par une certaine bien pensance qui peut fausser tout le raisonnement et le bien fondé d’un article ou d’un dossier de presse. Cependant, ce point soulevé est délicat car il oppose deux “écoles”, deux façons de penser le journalisme. D’un côté, comme le défend l’auteur, le journaliste se doit de retranscrire l’actualité, d’être le témoin de l’Histoire en train de se développer,et rapporter les faits sans jugement. D’un autre côté, (et c’est là que mon avis diverge ou complète celui de Nouailhac), le journaliste peut également s’affranchir de la neutralité et user de sa plume pour condamner la réalité qu’il transcrit, sans forcément être partisan mais garder un oeil critique. Où se situe le véritable journalisme? Je pense, à titre personnel, que les deux sont valables dans la mesure où ces deux visions sont complémentaires. La première, celle de la stricte retranscription de la réalité factuelle, correspond simplement à une vision anglo-saxonne du rôle de la presse. La seconde,  en revanche, tire clairement son origine dans la presse française depuis toujours engagée et marquée par des grandes figures telles que Zola, mais encore Camus ou  Sartre (D’où, également, une tendance à inclure les journalistes dans la frange des intellectuels en France). 

       Jean Nouailhac semble donc pencher pour l’approche anglo-saxonne mais pourtant ne s’y cantonne pas. Ainsi, il condamne ouvertement les partisans et les artisans de l’information-divertissement. Il fustige toute une génération de “journalistes-animateurs” allant de Pierre Lescure à Thierry Ardisson en passant par Michel Denisot. Il souligne là un aspect important des médias actuels qui met en danger l’avenir du traitement de l’information. Ainsi, il leur reproche de traiter des sujets politiques au milieu de séquences de divertissement dans un mélange des genres qui brouille totalement les frontières. Or, rappelle-t-il, il est primordial que les auditeurs/téléspectateurs sachent faire la distinction entre ce qui relève de la réalité, de la contemporanéité de l’information, et ce qui relève du spectacle. Selon Nouailhac, les citoyens sont déjà mal informés sur le fond, alors si même la forme disparaît… Cette tendance peut, a posteriori, avoir des effets très néfastes sur le journalisme, en considérant notamment l’information comme de la communication, ce qu’elle n’est évidemment pas. Je suis bien d’accord avec l’auteur sur ce sujet. Quelle personnalité politique ne craint pas le traitement qui lui sera réservé au Grand Journal car elle sait que son image peut sérieusement être atteinte? Tout devient question de com’ et non de journalisme ou d’information. Comment analyser -ou recevoir en tant que citoyen- de façon intelligente, objective ou pertinente les réflexions servies à froid par Jean-Michel Apathie sur le plateau? Réflexions toutes personnelles qui constituent le seul point info de toute l’émission. Comment accepter l’appellation de “Journal” lorsque l’invité politique est interviewé entre deux ou trois actrices ou acteurs en pleine promo dont le temps de parole est largement supérieur car plus “glamour” et plus vendeur? 

Ce que défend honorablement Jean Nouailhac est le fait qu’un journaliste n’est pas un animateur. Et l’association des deux est un oxymore total. Le journaliste délivre l’information, la produit même lorsqu’il est en reportage dans les zones de conflits ou de tension, et enquête sur les secrets souvent bien gardés des démocraties. Le CSA a récemment validé cette conception du journalisme audiovisuel en rappelant à l’ordre le Grand Journal pour son dangereux mélange des genres: “le Conseil est conscient que Le Grand Journal est une émission de divertissement, il considère qu’elle comporte des séquences à caractère informatif au cours desquelles tout risque de confusion entre information et divertissement devrait être évité, conformément aux termes de l’article 18 de la convention de la chaîne“. De même, le journaliste ne doit pas tomber dans le piège de la com’ et ne doit absolument pas se faire le relai des messages des personnalités politiques en vertu des principes d’objectivité et d’indépendance. Comme l’avaient montré les journalistes Nicolas Domenach et Maurice Szafran (voir mon article sur Off), les personnalités politiques rusent pour faire filtrer certaines informations dûment choisies aux journalistes afin que ceux-ci les rendent publiques dans leurs papiers. Il est important de ne pas devenir l’instrument de com’ de la sphère politique. A ce titre, Jean Nouailhac condamne purement et simplement le off. 

       La deuxième ligne d’attaque adoptée par Jean Nouailhac est celle du contrôle par l’Etat qui frôle, à mon sens, la paranoïa chez l’auteur. Mais il a ses raisons, soit. Nouailhac condamne le trop grand pouvoir (et l’existence même) du CSA. Celui-ci n’est d’après lui que l’une des nombreuses tentacules de la machine Etat qui tente incessamment de soumettre la presse audiovisuelle. L’auteur n’a pas tort: trois de ses neuf membres sont nommés directement par le Président de la République et tous sont désignés sous décret présidentiel. Trois membres sont nommés par l’Assemblée Nationale et trois autres membres par le Sénat. Certes, le président n’est plus seul à nommer qui siègera au CSA. Néanmoins, l’intégralité des neuf postes sont pourvus sous nomination du pouvoir en place. Par des instances politiques qui sont composées de majorités. Il est donc légitime de suivre Nouailhac sur ce point.

Mais l’auteur ne s’arrête pas là: le CSA impose des temps de parole aux médias télévisuels pour les candidats pendant les périodes électorales. Il s’insurge: imaginez que l’on procède ainsi dans la presse écrite: un certain nombre de mots, de lignes pour chaque candidat! Ce n’est pas réaliste! Certes, décrit comme tel, cela semble irréalisable. Mais la presse écrite n’est plus, et ce depuis longtemps -et comme pertinemment rappelé au début du livre, le média d’information de référence. La télévision a littéralement bousculé les habitudes de consommation de l’information et est devenu LE média privilégié des campagnes (les récentes élections présidentielles l’ont encore montré). S’il n’est pas pertinent d’aligner la presse écrite sur un quota de lignes ou de mots, il est possible, techniquement parlant, de faire respecter l’égalité de temps de parole sans contraintes insupportables. Et, en effet, les règles sont simples: une chaîne qui reçoit un candidat doit s’engager à les recevoir tous, et à assurer un même temps de parole alloué à chacun par un chronomètre visible à l’écran. Pas si contraignant. Evidemment, Nouailhac s’insurge davantage sur le principe de limitation du temps de parole que sur la faisabilité de la chose. Là encore, je ne suis pas d’accord. Il existe déjà mille façons de contourner ces règles (comme l’a démontré la campagne de 2007 de Nicolas Sarkozy et sa stratégie d’occuper l’espace médiatique en annonçant une réforme par jour sans déclaration propre de sa part, mais rien qu’en laissant les journalistes commenter les annonces de l’UMP), à quoi ressemblerait l’espace médiatique -l’espace public- si ces règles fondamentales n’existaient pas? Certaines chaînes (même privées -et surtout privées!) seraient littéralement prises d’assaut par certains candidats! Que fait-on du pluralisme? Que faire si certains candidats ne peuvent avoir accès à aucune chaîne, aucune tribune? Cela reviendrait ni plus ni moins à faire fi du principe de publicité développé par Jürgen Habermas si cher et central aux démocraties. Si l’on réfléchit bien, même avec l’instauration du temps de parole, certains partis et candidats sont relégués au second plan. Il n’est même pas besoin d’abolir le CSA pour rencontrer des anomalies. Ainsi, on a pu voir que de grandes chaînes (d’information pourtant!) telles que BFM, I-Télé  retransmettaient les meetings des petits candidats en plein milieu de la nuit. Alors que les meetings de M. Hollande, M. Sarkozy, et même de Mme Le Pen figuraient en bonne place, en direct en plein après-midi. Déjà là il existe une sélection, un choix éditorial pénalisant certains partis et favorisant, d’emblée, les deux grands partis nourrissant un bipartisme typiquement français, ou une triangulaire hésitant entre François Bayrou ou Marine Le Pen. Et pourtant ces chaînes ne sont pas hors-la-loi! Elles diffusent les meetings conformément à l’obligation qui leur incombe. Mais, il existe mille façon de s’arranger avec la réalité, quand bien même ces règles existent! Les supprimer, comme l’entend Nouailhac, serait revenir à l’anarchie, ou, au contraire, à davantage de contrôle digne de l’époque de l’ORTF, à laquelle, je suis sûre, Jean Nouailhac ne souhaite pas revenir.

Et pour cause! L’auteur est tellement absorbé par la question du contrôle des médias par l’Etat qu’il condamne France Télévision (et le service public en général) pour la simple et bonne raison que service public signifie financement par l’Etat et donc absence d’indépendance. Là encore le raisonnement de Nouailhac n’est pas bancal: il est vrai qu’il faut, en tant que citoyen responsable, se méfier des médias dits “subventionnés”. Le fantôme de l’ORTF rôde plus que jamais, encore et toujours! Il est vrai également que le Président de France Télévision est nommé directement par le Président de la République (réforme sarkoziste qui a, par ailleurs, valu à la France un avertissement de la part de la Commission Européenne et du Conseil de l’Europe encore récemment). Néanmoins, force est de constater que l’argument selon lequel toute chaîne publique et financée par l’Etat est foncièrement de mauvaise qualité ou prosélyte est recevable mais ne tient pas. En France, la télévision du service public est bien plus indépendante éditorialement que la chaîne privée TF1, totalement soumise aux magnats de l’UMP, unis dans un intérêt et une idéologie communs. TF1 est bien plus éditorialement proche du pouvoir en place ces dernières années que ne l’a jamais été France 2 ou France 3. Bien que la nomination de Rémi Pflimlin à la tête de France Télévision ait été vivement critiquée, celui-ci n’a jamais été aussi proche du pouvoir qu’Etienne Mougeotte et autre Nonce Paolini (ancien directeur général adjoint de Bouygues, groupe industriel de téléphonie mobile appartenant à Martin Bouygues, parrain de Louis Sarkozy, fils cadet de Nicolas Sarkozy, CQFD). Tout cela pour dire que partir du principe qu’une chaîne privée est, a fortiori, indépendante du pouvoir en place et de l’Etat est un pur leurre et qu’il est même surprenant que M. Nouailhac se soit laissé convaincre par telle chimère. 

      De la même façon, en France, les chaînes publiques sont de bien meilleure qualité que les chaînes privées où la course au sensationnalisme et au voyeurisme de bas-étage prédomine pour rassembler les audiences. Au contraire, le service audiovisuel public français s’est toujours tenu à l’écart des émissions de télé-réalité alors que les deux plus grandes chaînes privées (TF1 et M6) y ont plongé la tête la première. Or, dans son ouvrage, Nouailhac fait l’apologie du journal de 13 heures de Jean-Pierre Pernault, un journal qui, selon lui, est indépendant des pressions du pouvoir et répond aux attentes des citoyens en matière d’information locale et leur permet de se reconnaître et de se sentir impliqués. Je veux bien admettre qu’un journal qui ne subit pas les éventuelles pressions des autorités soit louable pour son indépendance, mais si indépendance signifie inconsistance, je me désolidarise complétement. Or, c’est exactement ce qu’est le journal de 13 heures de Jean-Pierre Pernault : inconsistant. Et je déplore que ce soit à ce prix que Jean Nouailhac reconnaisse l’indépendance des médias. Est-il aussi besoin de préciser à Jean Nouailhac que les configurations nationales sont très importantes pour montrer que secteur privé n’est pas égal à indépendance éditoriale et journalistique? En Italie, le groupe de média privé le plus important est MediaSet et son propriétaire n’est autre que… Silvio Berlusconi, président du Conseil italien jusqu’en novembre 2011. MediaSet est un groupe de média privé or est-il indépendant? Je ne pense pas, non. Si là n’est pas la preuve des relations incestueuses entre sphère politique et médias privés… De même, au Royaume-Uni, l’empire médiatique privé de Rupert Murdoch a fait subir d’énormes pressions au pouvoir politique en place. C’est ce qu’a révélé le scandale des écoutes téléphoniques aujourd’hui soumis à la Leveson Inquiry. Tout ceci donc pour montrer que l’argument selon lequel média privé signifie média indépendant est étroit, si ce n’est complétement erroné. 

      Pour montrer à quel point le secteur médiatique est gangréné en France, Nouailhac dresse le portrait de tous les médias en commençant par l’audiovisuel, la radio puis la presse écrite. Rares sont les titres qui trouvent grâce à ses yeux (M6, RTL, Marianne, Le Point). 

       Certains points soulevés par J. Nouailhac recoivent mon inconditionnel soutien alors que d’autres soulèvent mon indignation. Je partage son combat pour une presse plus indépendante. J’acquiesce lorsqu’il écrit que les médias contemporains français sont (encore) trop subordonnés aux influences des pouvoirs politiques et économiques. J’admire son combat pour le retour à une presse écrite forte. Et évidemment, en tant que journaliste, on ne peut que saluer son attachement aux principes fondateurs de la profession. 

       En revanche, bien que je soutienne l’idée qu’il faille garder un esprit critique alerte vis-à-vis de certains médias et toujours s’informer de leurs sources (notamment financières), je ne partage pas sa condamnation sans appel des secteurs médiatiques publics. Surtout lorsque celle-ci s’accompagne d’un encensement du secteur privé qui peine franchement à démontrer son efficacité. Je trouve très ironique le fait que Nouailhac s’acharne sur le secteur subventionné pour défendre des médias comme TF1, et défendre une indépendance de la presse écrite qui, à son sens, n’est libre que si elle échappe aux lois liberticides de la presse française, et donc s’apparente à une incitation pour la publication de titres similaires aux The Sun, The Daily Mail ou Der Bild en France. Par ailleurs, après l’annonce par Closer du divorce Strauss-Kahn – Sinclair reprise par de nombreux médias dits dignes de respect (comme Le Monde), il n’y a qu’un pas pour que Jean Nouailhac déclare que Closer constitue le fleuron de la presse française. Et c’est bien ça le problème. Car une liberté de la presse comme celle rêvée par l’auteur semble encourager la prolifération de titres de presse “poubelles”, mettant en danger la survie des titres dits sérieux: si les gens se ruent sur les tabloïds (dont Nouailhac dit qu’ils sont louables car ils se vendent bien et donc montrent que les citoyens y trouvent des réponses à leurs attentes pour la même raison qu’ils boudent les titres de la presse standard), ils ne se tournent plus vers les titres de qualité (pour raison financière ou d’effort). C’est donc un nivellement vers le bas qui risque de se produire. Ce même raisonnement est valable pour la télé qui a déjà vu la multiplication de ses chaînes avec le passage à la télévision numérique. Or, le passage à la TNT n’a clairement pas relevé le niveau des programmes qui sont aujourd’hui pour les trois-quarts des émissions de télé-réalité. TF1 aurait-elle diffusé les échanges de Mohammed Merah si elle n’avait pas subi les pressions de l’audimat due à sa concurrence directe avec les chaînes d’info en continu comme BFM ou I-Télé? Et, pour autant, sommes-nous mieux informés sur les tueries et le passé trouble de Merah avec les services de renseignement français?

        Je regrette également que l’auteur ne consacre qu’un chapitre rachitique à la presse sur Internet lorsque l’on sait que le secteur connaît une véritable révolution grâce/à cause de cette avancée technologique. En effet, lorsque l’on rédige un ouvrage sur le sujet, la moindre des choses est quand même d’évoquer, si ce n’est de connaître, les tenants et les aboutissants de l’objet à l’étude, à plus forte raison lorsqu’il subit de profondes mutations technologiques mettant en cause son existence, et même si cela relève de champs d’application totalement nouveaux. Ainsi, les nouvelles offres d’abonnements aux médias en ligne qui explosent ainsi que l’effervescence de la blogosphère (sans parler de Twitter!!!) ne trouvent clairement pas la place qu’ils méritent dans cet ouvrage. 

       C’est donc un ouvrage à l’ambition salutaire : condamner la situation de la presse en France aujourd’hui en rappelant les grands préceptes du journalisme, mais aux arguments parfois faibles sur certains sujets. On ne peut accuser l’auteur d’impéritie mais on peut lui reprocher de vouloir adopter une posture trop radicale, sans compromis, qui, bien loin de renforcer sa démonstration, révèle un zèle un peu difficile à maîtriser. 

       Au final, je ne sais dire si je le recommande ou non. Un livre pour débattre sûrement.

Off – Nicolas Domenach et Maurice Szafran

     Un livre sur le pouvoir. Voilà comment on pourrait résumer le dernier ouvrage issu de la collaboration des deux journalistes de Marianne, Nicolas Domenach et Maurice Szafran. Dans celui-ci, les deux compères proposent de faire connaître au grand public (ou du moins aux lecteurs) les coulisses du pouvoir, sur ce qui est dit “hors micro” et en dehors de tout entretien en bonne et due forme, en se concentrant sur l’ascension présidentielle de Nicolas Sarkozy.

     D’emblée, les deux auteurs souhaitent nous expliquer “Pourquoi”. Quel est le sens de leur démarche? Les motivations sont multiples. Il s’agit, tout d’abord, de constater la relation ambiguë et complexe entre le monde journalistique et les responsables politiques. Ces deux sphères sont, de toute évidence, forcées de se côtoyer en permanence. D’où des rapports très divers, oscillant entre méfiance, critique, (que se doit de porter tout journaliste digne de ce nom), mais également emprunts de respect, d’une certaine connivence, de compréhension voire de complicité, dus, en toute logique, au fait que dirigeants politiques et journalistes se rencontrent souvent dans le cadre de leurs fonctions respectives. Dès lors, les journalistes sont fréquemment  témoins de petites scènes de la vie ordinaire des hommes de pouvoir, ainsi que les observateurs privilégiés de leurs travers personnels.

     Les auteurs poursuivent leur introduction en avertissant le lecteur d’un changement dans les mœurs qui, il n’y encore pas si longtemps, régissaient les rapports entre presse et politique. En effet, jusqu’à il y a peu, l’omerta régnait sur ce qui était déclaré en “Off”. Ainsi, comme nous le précisent Domenach et Szafran, lorsque les journalistes, amenés à coudoyer régulièrement le président Mitterrand, apprennent sa maladie ou l’existence de sa fille Mazarine, aucun d’eux ne s’est aventuré à rendre la chose publique en vertu de la séparation sacrée entre le domaine public et le domaine privé. Jusqu’à reconnaître là un manquement professionnel au nom “de la convenance et du confort”.

     Tout change depuis l’ère Sarkozy. Nicolas Sarkozy inaugure, selon les auteurs, l’exhibitionnisme politique qu’ils résument par “Je raconte tout, je montre tout”. Comme ils précisent: “Nicolas Sarkozy est la transgression même: son attitude, ses comportements, nous interdisent de nous en tenir à ces règles dépassées. Elles sont désormais dépourvues de sens et d’intérêt. Nous y sommes. Où? Dans une zone grise où privé et public ne se distinguent plus guère”. Les relations entre journalistes et responsables politiques s’en trouvent immédiatement affectées.

     Domenach et Szafran consacrent la première partie de l’ouvrage à la base du personnage-étude de cas, à savoir l’enfance. Le jeune Sarkozy est décrit comme un enfant turbulent, le plus agité de la fratrie dont il est aussi le plus jeune. Issu d’une famille juive discrète et modeste, il souffre de l’autorité de l’aîné qui prévaut en l’absence du père – qui a quitté le foyer – et dont la mère, seule, incarne le courage et la ténacité qui lui inculquent très tôt la valeur du mérite.

     Les auteurs enchaînent néanmoins très vite sur une deuxième partie réservée à son ascension en politique.  La mort d’Achille Peretti, maire de Neuilly, précipite la tenue de nouvelles élections auxquelles – alors qu’il était conseiller municipal puis adjoint – il se présente et sera élu, au grand dam de Charles Pasqua qui se fait, à l’occasion, couper l’herbe sous le pied. A 28 ans, Sarkozy devient le plus jeune maire de France, faisant de lui un modèle de précocité hors pair. Puis arrive l’élection présidentielle de 1995, pendant laquelle il soutient Balladur contre Chirac, devenant ainsi la risée de la droite populaire qui cristallisera en sa personne l’image du traître. S’ensuit une traversée du désert durant laquelle, vilipendé, honni, il choisit la discrétion et encaisse la montée de ses rivaux, notamment Alain Juppé. Il se recroqueville sur sa mairie, celle qu’il a conquis seul, et adopte alors la posture victimaire – qu’il ressort à l’envi encore aujourd’hui – selon laquelle tout ce qui lui appartient ne lui revient que de droit, ne le devant qu’à lui-même car aucun cadeau ne lui est fait de la part de la droite chiraquienne. Il lorgne un temps sur les élections européennes de 1999, sans succès néanmoins. Puis, enfin, arrivent les présidentielles de 2002 lors desquelles il soutient Chirac, espérant hériter de Matignon. C’était sans compter sur les vieilles rancœurs politiques qui, telles de vieux démons, reviennent sans crier gare et l’empêchent d’accéder au poste suprême de chef du gouvernement pour finalement l’amener au Ministère de l’Intérieur. Mais déjà, il exècre de jouer les pantins de Chirac, qu’il abhorre, et entre très vite dans sa propre campagne caractérisée par une hyperactivité qui le mènera, à l’horizon, à 2007.

     C’est dans le cadre de cette campagne que les auteurs sont amenés à s’entretenir avec Sarkozy très régulièrement. Ceux-ci confessent alors l’omniprésence de sa femme, Cécilia, son premier bras-droit politique, qui s’impose en expert en communication, et qu’il aime exhiber comme faire-valoir de campagne. Puis apparaissent rapidement les querelles d’égo avec Dominique de Villepin, ce chiraquien chevronné, qu’il accuse de lui faire de l’ombre. Au cours de cette campagne, Domenach et Szafran disent avoir été témoins de scènes improbables pour un futur présidentiable. Des anecdotes croustillantes décrivent un Sarkozy qui se livre sans retenue sur sa famille, sa soif de pouvoir, son désir de revanche sur le destin, et, par dessus-tout, la récurrence de l’argent dans ses préoccupations premières. Ces traits de caractère sont comme exacerbés en ces temps de campagne. Ils décrivent alors un Sarkozy en transe lors des grands meetings pendant lesquels il prouve son talent d’orateur certes, mais dans un français pas toujours correct qui flirte rarement avec le langage soutenu.  Il en est même pire hors micro, selon les auteurs, qui attribuent à cela un manque de culture flagrant découlant de sa formation d’avocat, et non d’énarque comme ses prédécesseurs. C’est aussi un manque de tenue que les auteurs dénoncent, lorsqu’ils évoquent ce jour où Sarkozy, alors candidat et ministre, les reçoit chez lui, torse nu, arborant RayBan et cigare au bord de sa piscine, pour une interview qui les incommodera énormément. Les auteurs sont aussi témoins de la rupture du couple, du départ de Cécilia, mais surtout du naufrage affectif d’un candidat qui donne à voir le spectacle de sa vie, inverse à ce qu’un candidat aux présidentielles se doit de donner (notamment une soirée très arrosée où Sarkozy, ivre d’alcool et de chagrin, drague pathétiquement une collègue journaliste des auteurs lors d’un dîner professionnel après l’université d’été de l’UMP à la Baule).

     Ce que révèle surtout ce livre, c’est un personnage marqué par son avidité de pouvoir, son manque de tact qui frise l’impolitesse et, par dessus tout, son obsession de l’argent. Le portrait qui est fait de lui le décrit comme un jeune premier maladroit, issu de la nouvelle génération que les institutions n’impressionnent plus, un tantinet familier, et que rien ne prédispose à faire de lui un président. L’ouvrage permet également de se pencher sur la question transversale du rapport spécial de Sarkozy aux médias, voire de leur manipulation. Cela passe, tout d’abord, par une proximité de facto que Sarkozy instaure avec les journalistes par le tutoiement qu’il impose et qui s’accompagne bien souvent de tapes sur l’épaule peu appropriées. Mais c’est aussi une complicité de fond qu’il tente d’organiser. Plusieurs fois, en effet, les auteurs expliquent avoir reçu des appels de Sarkozy pour se voir transmettre des informations cruciales qu’il livre délibérément afin de s’en faire “des potes”. En ce sens, le livre montre qu’il a bien compris que la meilleure façon de se mettre les journalistes dans les poches est de leur donner des informations. Dans une campagne survoltée – qui tranche avec 2002 – ces derniers sont avides de scoops et se montrent très intéressées par le renouveau politique qu’augure le prochain mandat. Sarkozy sait l’engouement qu’il suscite et en joue allègrement. Il introduit une césure dans le traitement des journalistes qui tourne cependant rapidement en sa défaveur. Après six premiers mois de présidence très mitigés -voire complètement ratés selon certains médias – les relations qu’il entretient avec la presse se crispent, d’après le fameux adage selon lequel les amis d’aujourd’hui sont les ennemis de demain.

Le thème des relations entre presse et politique permet assurément d’aborder le sujet d’une façon qui va au-delà de l’anti-sarkozysme primaire. Cependant, on peut se demander s’il ne s’agit pas d’un prétexte pour dresser un portrait peu flatteur du candidat, finalement victorieux, de l’autre bord, notamment au vu des positions très partisanes du magazine Marianne. Il faudrait veiller à ne pas tomber dans le lynchage en règle systématique. Il est vrai que la réalité d’un président “bling-bling” ne rend pas Sarkozy sympathique, mais faut-il, pour autant, le rendre antipathique au point de mériter ce focus? Nul ne peut douter de la réalité à laquelle ont été confrontés Domenach et Szafran pour dresser un portrait certes juste, mais qui manque d’une analyse éloquente. En effet, Sarkozy est un pur produit de la société moderne, tout dans la pulsion, dans l’immédiateté, qu’il tient sans conteste de sa jeunesse post-soixante-huitarde. Il est le symptôme d’une société de plus en plus dépolitisée et désidéologisée.

D’autre part, le portrait qui est proposé correspond bien aux premières années de sarkozysme mais  tranche avec les dernières années du mandat – notamment la naissance surprotégée de sa fille – qui n’en est, cependant, pas moins révélatrice d’une certaine manipulation des médias par les politiques. Ce qui légitime, in fine, les révélations du livre.

Il n’en reste pas moins que ce livre n’est qu’un parmi la constellation de publications à ce sujet: Alain et Patrice Duhamel, Cartes sur Table, ou encore Franz-Olivier Ghiesbert, M. le Président, Jean-Pierre Friedman, Dans la peau de Sarko, Catherine Nay, Un Pouvoir nommé désir, etc. Il est également intéressant de mettre le livre de Domenach et Szafran en parallèle avec le film La Conquête de Xavier Durringer. Et si vous avez la chance d’habiter près d’une des 68 salles françaises qui le projettent, le film Les Nouveaux Chiens de Garde analyse les relations entre médias et pouvoir.